Eloge des larmes

Peut-être est-ce une disposition propre au type amoureux, que de se laisser aller à pleurer ? Soumis à l’Imaginaire, il se moque bien de la censure qui retient aujourd’hui l’adulte loin des larmes et par laquelle l’homme entend protester de sa virilité. En libérant ses larmes sans contrainte, il suit les ordres du corps amoureux, qui est un corps baigné, en expansion liquide […].

Où l’amoureux prend-il le droit de pleurer, sinon dans un renversement des valeurs, dont le corps est la première cible ? Il accepte de retrouver le corps enfant. […]

Depuis quand les hommes ne pleurent-ils plus ? Pourquoi la sensibilité  est-elle à un certain moment retournée en sensiblerie ? Les images de la virilité sont mouvantes ; les Grecs, les gens du XVIIème siècle pleuraient beaucoup au théâtre. Saint-Louis, au dire de Michelet, souffrait de n’avoir pas reçu le don des pleurs ; une fois qu’ils sentit les larmes couler doucement sur sa figure, « elles lui semblèrent si savoureuses et  très douces, non pas seulement au cœur mais à la bouche ».

Fragments d’un discours amoureux / Roland Barthes

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