La jeune femme parle d’eux, à présent. On peut très bien – à la lenteur prononcée de sa voix – reconnaître l’enfant secrètement préféré.
Il y en a toujours un.
Quoi que disent les mères, quoi qu’elles pensent d’elles-mêmes dans leur obligation à nourrir l’espérance, à donner la becquée aux moineaux et aux anges – à chacun de façon égale -, oui, quoi qu’elle disent et quoi qu’elles pensent d’elles-mêmes dans leur devoir de mère, il y a toujours un enfant préféré. Son nom fait fleurir les lèvres à simplement le prononcer.
C’est parfois le dernier venu, celui qu’on a trouvé dans la clairière d’un jour, au beau milieu de l’âge et des fatigues. Ce peut être encore le tout premier, l’enfant inoubliable des fleurs de cerisiers, le premier printemps d’enfance. Ce peut être le plus ingrat comme le plus tendre.
Ce peut être n’importe lequel : l’amour maternel est semblable à tout amour, injuste et secret.
La part manquante / Christian Bobin
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