La course amoureuse paraît suivre trois étapes (ou trois actes) : c’est d’abord, instantanée, la capture (je suis ravi par une image) ; vient alors une suite de rencontres (rendez-vous, téléphones, lettres, petits voyages), au cours desquelles j’explore avec ivresse la perfection de l’être aimé, c’est-à-dire l’adéquation inespérée d’un objet à mon désir : c’est la douceur du commencement, le temps propre de l’idylle. Ce temps heureux prend son identité (sa clôture) de ce qu’il s’oppose à la « suite » : « la suite », c’est la longue traînée des souffrances, blessures, angoisses, détresses, ressentiments, désespoirs, embarras et pièges dont je deviens la proie, vivant alors sans cesse sous la menace d’une déchéance qui frapperait à la fois l’autre, moi-même et la rencontre prestigieuse qui nous a d’abord découverts l’un à l’autre.
Il est des amoureux qui ne se suicident pas : de ce « tunnel », qui suit la rencontre amoureuse, il est possible que je sorte : je revois le jour, soit que je réussisse à donner à l’amour malheureux une issue dialectique (gardant l’amour, mais me débarrassant de l’hypnose), soit qu’abandonnant cet amour-là, je me remette en course, cherchant à réitérer, avec d’autres, la rencontre dont je garde l’éblouissement : car elle est de l’ordre du « premier plaisir » et je n’ai de cesse qu’elle ne revienne : j’affirme l’affirmation, je recommence, sans répéter.
Fragments d’un discours amoureux / Roland Barthes
Enfin acheté 🙂
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Régalez-vous bien 🙂
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Bon jour,
C’est pas simple à suivre, ce raisonnement. Est-il raisonnable de développer une telle procédure ? Diantre, moi qui pensait que la quête amoureuse était du sentiment, du regard, une fragrance, un mot, un geste, une attitude. Bref, ce Barthes fait une sorte de mathématiques des mots sur cette « course amoureuse ». 🙂
Max-Louis
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