Si le pauvre tenait son droit de la seule nécessité, votre égoïsme l’aurait vite condamné au strict nécessaire, payé d’une reconnaissance et d’une servitude éternelles. Ainsi t’emportes-tu aujourd’hui contre cette femme qui vient d’arroser mes pieds d’un nard payé très cher, comme si mes pauvres ne devaient jamais profiter de l’industrie des parfumeurs. Tu es bien de cette race de gens qui, ayant donné deux sous à un vagabond, se scandalisent de ne pas le voir se précipiter du même coup chez le boulanger pour s’y bourrer du pain de la veille, que le commerçant lui aura d’ailleurs vendu pour du pain frais. A sa place, ils iraient aussi chez le marchand de vins, car un ventre de misérable a plus besoin d’illusion que de pain.
Journal d’un curé de campagne / Georges Bernanos
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