Pensée pliée / Pensée déroulée

Notre pensée s’est moulée sur le livre ou, pour le dire autrement, le livre est la matrice de notre pensée occidentale. La forme du livre exprime aussi un rapport au temps. L’essentiel est gravé sur le dos et sur la page de titre. […] Le temps des livres est celui des pendules : spatial, segmenté, régulier et orienté, avec une origine et une fin, comme l’exige notre conception de l’Histoire. Il en va autrement du rouleau aux vérités cycliques et interminables, ou de l’écran ouvert sur un flux qui ne s’arrête jamais. Ouvrir et fermer un livre ne va ne va pas sans une certaine solennité qui a une toute autre résonance en nous que de lacer ses chaussures ou d’ouvrir un tiroir. Et ce rituel résiste. Une reliure n’est pas une boîte. Un livre n’est pas un ustensile. […] Un livre commence et finit, s’ouvre et se ferme, d’une manière linéaire et orientée, sans son principe irréversible comme le temps, même si rien n’interdit au lecteur de commencer sa lecture par la fin ou de mélanger les chapitres.

Fermer le livre n’est pas moins émouvant que de l’ouvrir. Chacun de ces deux gestes marque ce qui, dans le livre, est irrémédiable. Tout ce qui se passe entre eux relève du possible et du contingent. Il peut tout arriver à l’intérieur, même le bonheur […].

Mais une fois le livre fermé, son pouvoir est perdu comme celui de la lampe d’Aladin.

La sagesse du bibliothécaire / Michel Melot

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