Les individus se caractérisent par leur degré de sociabilité. […] Aristote en avait pris acte lorsqu’il déclarait que l’homme est un animal politique […]. Que l’on soit un ermite ou un mondain, on a toujours des contacts humains ; seule l’intensité varie […].
De plus, l’homme affecte ses semblables même en les évitant. Ce que j’aurais pu faire pour une personne ou pour un groupe mais que je n’ai pas fait est une occasion manquée, un gain ou une perte pour cet individu ou ce groupe. Moralité, chacun de nous a un compte courant avec tous les autres. Par l’action ou l’inaction, chacun de nous tire de quelqu’un d’autre un gain ou une perte, et en même temps cause un gain ou une perte pour autrui. […]
L’humanité se divise [ainsi] en quatre grandes catégories : les crétins, les gens intelligents, les bandits et les êtres stupides. [Penchons-nous] avec pragmatisme sur le quotidien :
- Nous avons tous le souvenir d’occasions où un individu a accompli une action qui lui a valu un gain et qui nous a causé une perte : nous avions affaire à un bandit.
- Nous nous rappelons aussi certains incidents lors desquels un individu a accompli une action qui entraînait une perte pour lui-même t un gain pour nous : nous avions affaire à un crétin.
- Nous nous remémorons des cas où un individu a agi de manière à procurer un bénéfice à tous les intéressés : c’était un être intelligent.
Ces cas se produisent, en effet, mais tout bien réfléchi, il fauta vouer qu’ils ne sont pas légion dans notre vie de tous les jours. Notre quotidien est surtout fait d’incidents qui nous font perdre de l’argent, et/ou du temps, et/ou de l’énergie, et/ou notre appétit, notre gaieté et notre santé, en raison de l’action improbable d’une créature ridicule qui […] ne gagne rien à nous causer de l’embarras, des difficultés ou du mal. Personne ne comprend […] pourquoi cette créature ridicule agit ainsi.
En réalité, il n’y a pas d’explication ou, mieux encore, il n’y a qu’une seule explication : l’individu en question est stupide. […]
Il existe [aussi] des gens qui, par leurs actions improbables, nuisent non seulement à autrui mais aussi à eux-mêmes. […] Ces êtres [sont] atteints de sur-stupidité.
Les lois fondamentales de la stupidité humaine / Carlo M. Cipolla