La première religion monothéiste que nous connaissions est apparue en Égypte autour de 1350 avant notre ère, quand le pharaon Akhenaton déclara qu’une des divinités mineures du panthéon égyptien, le dieu Aton, était en réalité la puissance suprême qui gouvernait l’univers. Akhenaton institutionnalisa son culte pour en faire la religion officielle […]. Mais sa révolution religieuse fut un échec. Le culte d’Aton fut abandonné après sa mort, et l’Égypte renoua avec l’ancien panthéon.
La grande percée survint avec le christianisme, une secte juive ésotérique qui s’efforça de convaincre les Juifs que Jésus de Nazareth était le Messie tant attendu. L’un des premiers chefs de la secte, Paul de Tarse, se dit [qu’il était] que tout le monde [devait] en entendre parler, et pas uniquement les Juifs. Aussi était-il nécessaire de répandre dans le monde la bonne parole – l’évangile – sur Jésus.
Les arguments de Paul trouvèrent un terrain fertile. Les chrétiens se mirent à multiplier les missions à l’adresse de tous les hommes. Dans l’un des tours les plus étranges de l’histoire, cette secte juive ésotérique s’empara du puissant Empire romain.Le succès chrétien servit de modèle à une autre religion monothéiste apparue dans la péninsule Arabique au VIIe siècle : l’islam. Comme le christianisme, l’islam fut aussi une petite secte dans un coin reculé du monde, mais, par un effet de surprise historique encore plus rapide et plus étrange, il parvint à sortir des déserts d’Arabie et à conquérir un immense empire s’étendant de l’Atlantique à l’Inde. Dès lors, l’idée monothéiste joua un rôle central dans l’histoire du monde.
Les monothéistes ont généralement été bien plus fanatiques et missionnaires que les polythéistes. […] Les monothéistes ayant généralement cru être en possession de la totalité du message du Dieu unique, force leur a été de discréditer toutes les autres religions. Au cours des deux derniers millénaires, les monothéistes ont maintes fois essayé de consolider leur emprise par la violence, exterminant toute concurrence.
Et ils eurent gain de cause. Au début du Ier siècle de notre ère, il n’y avait guère de monothéistes dans le monde. Autour de l’an 500, l’Empire romain, un des plus grands du monde, était un régime chrétien, avec des missionnaires occupés à propager le christianisme dans les autres parties de l’Europe, en Asie et en Afrique. […] Aujourd’hui, hors de l’Est asiatique, la plupart des peuples adhèrent à une forme ou à une autre de religion monothéiste, et l’ordre politique mondial repose sur des fondations monothéistes.
Pourtant, il y a toujours eu un fossé entre les théories théologiques et les réalités historiques. La plupart des gens ont eu du mal à digérer l’idée monothéiste et ont continué de diviser le monde entre « eux » et « nous », la puissance suprême de l’univers leur paraissant trop lointaine pour leurs besoins terrestres. Les religions monothéistes expulsèrent manu militari les dieux par la porte d’entrée à seule fin de les voir revenir par la fenêtre. Le christianisme, par exemple, se dota de tout un panthéon de saints, dont les cultes différaient peu de ceux des dieux polythéistes.
Sapiens, une brève histoire de l’humanité / Yuval Noah Harari
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