Les pénuries alimentaires ne sont pas à l’origine de la plupart des guerres et des révolutions de l’histoire. Ce sont des avocats aisés qui ont été le fer de lance de la Révolution française, non pas des paysans faméliques. La République romaine atteignit le faîte de sa puissance au Ier siècle avant notre ère, quand des flottes chargées de trésors de toute la Méditerranée enrichirent les Romains au-delà des rêves les plus fous de leurs ancêtres. Or, c’est à ce moment d’abondance maximale que l’ordre politique romain s’effondra dans une série de guerres civiles meurtrières. La Yougoslavie de 1991 avait largement de quoi nourrir tous ses habitants, ce qui ne l’empêcha pas de se désintégrer en un terrible bain de sang.
Le problème qui est à la racine de ces calamités est que, des millions d’années durant, les hommes évoluèrent en petites bandes de douzaines d’individus. Les quelques millénaires qui séparent la Révolution agricole de l’apparition des villes, des royaumes et des empires n’ont pas laissé assez de temps pour qu’un instinct de coopération s’épanouisse.
Malgré l’absence de tels instincts biologiques, les mythes partagés permirent à des centaines d’inconnus de coopérer à l’époque des fourrageurs. Mais cette coopération restait vague et limitée.
Sapiens, une brève histoire de l’humanité / Yuval Noah Harari
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