Personne qui prend ou qui donne, selon qu’elle travaille en mode prédateur ou créateur.
La photo-prédation, mode de travail très répandu, consiste à s’emparer d’un sujet – sur le vif –.
Le photo-prédateur, reporteur parcourant les rues, paparazzi escaladant les haies, part bien souvent seul en chasse, armé non d’un fusil mais d’un troisième œil.
L’œil du cyclope.
Prêt à s’ouvrir et se refermer aussitôt sur ce qu’il a vu.
Juste assez de temps pour éblouir la pellicule, immense et aveugle rétine, qui ne verra qu’une fois mais n’oubliera plus.
C’est ainsi, au gré des opportunités, à la sauvette, que le photo-prédateur remplit son appareil de réalités.
A leur vue, il CHARGE / VISE / et CAPTURE.
Rentré dans son antre, il les dévore / les digère /
Pour ne restituer que son seul point de vue.
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C’est là la grande différence avec la photo-création.
A la famille des chasseurs qui prennent sur le vif, s’oppose la famille des chasseurs qui prennent – sur le temps –.
Le temps de la rencontre.
Ce temps qui consiste, pour effrayant que cela paraisse, à affronter le regard du photographié.
Dès lors, la prise de vue, au-delà de la maîtrise technique, doit faire avec mille possibilités supplémentaires :
Séduction / Confrontation
Surprise / Colère
Peur / Amusement
Satisfaction vaniteuse / Provocation.
La photo reflètera, quoi qu’il advienne, cette attitude du photographié devant le photographiant.
N’est-ce pas ce contact qui est le plus émouvant dans la prise de vue : « la légère souffrance qu’éprouvent, ensemble et à des pôles opposés, celui qui se sait photographié et celui qui sait / qu’on sait / qu’il se livre à un acte prédateur. »
N’est-ce pas trois éléments qui font le triangle du feu : combustible, comburant et énergie d’activation.
La cigarette, l’air, ET, l’allumette /
Voilà ce qui fait le triangle de la photo-création : le photographe, l’appareil, ET, le photographié.
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Que ne nous promet pas alors, comme dimension schizo-artistique,
cette nouvelle auto-photographie /
même affublé d’un nom aussi laid ;
aussi laid qu’est insupportable cette manie,
qu’a tout le monde de sortir son téléphone
pour prendre, sans demander l’avis de personne,
des SELFIEs.
Sources : Michel Tournier (1) / (2) / (3)
Maximilien Icart
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